vendredi 25 décembre 2015

Silence de mort des médias français sur l’ "Incident" nucléaire en Russie




Que s'est-il passé à 13h50 le 18 décembre dernier à la centrale nucléaire de Leningradskaia à Sovnony Bor, près de Saint-Petersbourg, l’une des plus grosses unités de production d’énergie de tout le nord de la Russie ?


Source de l'image


Silence de mort dans les médias français... 


    Comme le dit si bien cet article publié sur un blog de Médiapart, l’un des très rares articles français relatant ledit "incident" : « Si on n'en parle pas, ça n’existe pas »

    De la vapeur a envahie la salle des turbines depuis des conduites fissurées, puis s’est échappée à l’extérieur du bâtiment. Les circuits de vapeur traversant directement le cœur du réacteur sur cet antique modèle (le même sinistre réacteur RBMK qu’à Tchernobyl), il va sans dire que ladite vapeur était radioactive…

    Malgré un petit vent de panique qui a incité nombre de riverains à courir acheter des pilules d’iode, nos amis russes se sont très vite rassurés, car les conditions météo leur étaient favorables. Le nuage de vapeur a en effet été poussé vers la Finlande. Mais les Estoniens ont du souci à se faire, car les vents dominants sont habituellement dans leur direction.

    Vous trouverez sur le blog du jeudi un recensement des rares articles (en anglais), qui ont traité de l’événement, la plupart sont russes ou ukrainiens.


le shadok tepco pompant Fukushima



"Incident"

    Pourquoi ai-je mis le mot "incident" entre guillemets ? Mais par "prudence", bien sûr ! Souvenez-vous de la catastrophe de Fukushima en mars 2011, notre ministre de l’énergie avait déclaré le lendemain qu’il ne s’agissait pas d’une catastrophe, mais juste d’un "accident grave".
Voir cet article publié sur Transitio :"Pas une catastrophe, juste un accident".



Fukushima, vous souvenez-vous ?

    Peut-être pensez-vous que l’affaire est réglée, puisque l’on en parle plus ? Lisez donc cet article publié sur le site Politis, intitulé : "Les glaçants aveux du responsable de la centrale".  

Fukushima, les aveux du directeur

    Vous y lirez que dans un entretien accordé le 20 décembre à l’Agence Associated Press, le responsable de la réparation de la centrale de Fukushima Masuda Naohiro a avoué qu’il était dans l’incapacité de prévoir quel serait le coût de la mise en sécurité des installations, et de fixer une date pour que les réacteurs fondus cessent de menacer la santé des salariés de l’entreprise et les habitants de la région alors que les bâtiments accidentés continuent à polluer les sous-sols et l’atmosphère. 
    Il a même ajouté qu’il ignorait si, quand et comment les nouveaux robots pourraient réussir à explorer les débris des réacteurs fondus pour faire le point sur la réaction qui se poursuit en dégageant une chaleur d’environ 100° et des émanations radioactives. Il a également reconnu qu’il devait faire face à une véritable « zone de guerre ».
    Les ingénieurs de TEPCO, le propriétaire de la centrale, ne savent même pas où se trouvent les débris des réacteurs ni comment il serait possible de les extraire. Ils ignorent également si les travaux nécessaires pourront être commencés avant une dizaine d’années !



Des catastrophes, dans la durée

    Le problème avec les "accidents" ou "incidents" nucléaire, c’est que l’on ne se sait jamais vraiment au bout de combien d’années ils se terminent.
Pour la catastrophe de Tchernobyl qui a eu lieu en 1986, on a une petite idée, puisque l’on sait que la région sera dangereusement radioactive pendant,… 48.000 ans !

    Même problème avec le nombre de victimes. Tchernobyl, qui par exemple, continue de tuer et de rendre malades les populations de la région.

    Prenez le temps de regarder ce reportage intitulé « les fantômes du nucleaire -Tchernobyl et son double », diffusé en 2009 sur la chaîne publique France 3 dans l'émission 7 A VOIR.



    Si vous souhaitez en savoir plus, lisez cet article publié en 2011 sur Transitio : "L'impact de Tchernobyl revu à la hausse".


    Vous y trouver un lien vers une autre page de Transitio qui évoque le rapport publié en 2010 par la New York Academy of Science et intitulé «Chernobyl : Consequences of the Catastrophe for People and the Environment». Ledit rapport est d’ailleurs téléchargeable sur cette page de Transitio.



Les autres centrales russes…

    Un autre point intéressant de cet excellent reportage de France 3, c’est qu’il évoque les autres centrales nucléaires russes. Il se termine en effet par une intéressante description de la centrale de Koursk, sœur jumelle de Tchernobyl.

    Vous y verrez un respectable médecin, membre de notre Institut de Radioprotection et Sûreté du Nucléaire, étudier les effets désastreux de cette catastrophe sur les enfants.
    Vous y apprendrez que des travaux d'amélioration ont réduit de 100 les risques d’accidents ! Et un ingénieur russe vous assurera que la centrale n’est pas dangereuse car elle répond aux normes de sécurité russes !


Les malheurs de la sœur jumelle de Tchernobyl


    Vous savez quoi ? Un an après, le 22 Juillet 2010, à 12h23, le système de protection d'urgence de la centrale de Koursk a déclenché l'arrêt du réacteur, suite à une augmentation de la pression dans le cœur de celui-ci, causée par des dommages subis par l'un des canaux du système de contrôle et de protection.
    Le 4 Août, Greenpeace Russie a envoyé une lettre au procureur général russe Iouri Tchaïka, qui a déclaré : "Selon les informations mises à notre disposition, une augmentation des niveaux de rayonnement de fond a été enregistrée par des capteurs de rayonnement de fond au moment de l'arrêt d'urgence qui a été lancé. D’après nos informations, l'un des canaux de contrôle du réacteur 1 a été détruit, accompagné de dommages survenant à la pile de graphite. La probabilité est très élevée que ça aurait pu conduire à un déversement accidentel d'une partie de l'eau radioactive et à un rejet de radioactivité au-delà des locaux de l'usine ".


Conséquences des améliorations !


Le plus "drôle”, lorsqu’on lit cet article : « Accident at Russia’s Kursk Nuclear Power Plantreveals blatant disregard of safety standards : Is the Russian nuclear industry headed for a meltdown?”, c’est que les fameuses améliorations évoquées dans le documentaire de France 3, pourraient avoir été l’une des causes possibles de cet accident !!!
rosenergoatom

    Mais la sœur jumelle de Tchernobyl n’est pas au bout de ses misères ! En 2013, La Voix de la Russie, révélait (succinctement) que l'un des générateurs de turbine de la première unité de la centrale nucléaire de Koursk avait été arrêté après que la protection d'urgence se soit activée !
Situation d'urgence à Koursk


Les informations en France ?

    Mais que s’est-il vraiment passé ce 18 décembre dernier à la centrale nucléaire de Leningradskaia à Sovnony Borg, près de Saint-Pétersbourg (ex-Leningrad) ?

    Ce n’est pas en regardant les infos de la télévision Française que le saurez. Voici quels étaient les sujets traités par le JT de 19/20 du samedi 19 décembre 2015 :
  • Noël : les Français de retour dans les magasins
  • Au Grand-Bornand, le manque de neige n'est pas un problème
  • 18 adolescents portent plainte pour violences policières
  • Syrie : le conseil de sécurité de l'ONU adopte une résolution pour un plan de paix
  • Espagne : des élections au résultat incertain
  • Noël : les sapins bios se font une place sur le marché
  • Spectacles : dans les coulisses du cirque Pinder
  • Edith Piaf : un siècle, une voix

Pas de révolution avec de bons programmes télé

    Pour ceux qui ne l’auraient pas encore compris le journal télévisé n’a plus vraiment pour objet de nous informer, et ce, depuis déjà fort longtemps. Vous avez déjà assez de problèmes comme ça et les médias ne veulent pas vous accabler avec de nouveaux soucis. 

    Pourtant, me répondrez-vous, ils nous accablent bien d’informations stressantes, comme l’austérité, la dette, les guerres pour l’énergie au moyen orient (ah bon vous ignoriez les véritables causes des guerres en Irak ou en Syrie ?) et bien d’autres sujet qui nous font peur ! Je sais que j’ai parfois l’esprit un peu tordu, mais j’aurais presque envie de vous répondre, que les problèmes dont ils vous accablent sont choisis avec art. J’irai même jusqu’à me demander si ces problèmes-là ne leurs sont pas d’une certaine utilité. La stratégie du choc, vous connaissez ? Non ? Alors cliquez ici.

    Mais comme vous avez le sens de la répartie, je suis sûr que certains d’entre vous me rétorqueront que le nucléaire est un sujet idéal pour nous faire peur !

    J'ai bien essayé d’intéresser les 2 chaînes d'information favorites des Français, mais ce fut en vain, vous vous en doutez !


Faire peur avec le nucléaire ? En France ?

(Mes digressions fréquentes révèlent ma passion pour une certaine littérature)


    Le nucléaire ? Faire peur ? En France ? En 2015 ? Allons ! Vous n’êtes pas sérieux !
Si vous affirmez cela, vous risquez d'être identifié comme un dangereux terroriste !

Le nucléaire est une énergie, propre, c’est-à-dire sans CO2, une énergie abondante et sûre, qui nous assure une grande partie de notre indépendance énergétique (au prix de picrocholines petites guerres coloniales en Afrique).

    Avez-vous lu cet article récent sur Transitio ? :"Transition énergétique vers la dépendance"
Ou celui-ci, qui n'est pas mal non plus ? :"Nucléaire, crise en Ukraine, et climat"

    Ce n’est pas maintenant, alors que EDF déjà couvert de dettes, va quitter le CAC 40, est obligé par le gouvernement de racheter la plus grande partie d’AREVA pour sauver ce lamentable fleuron du nucléaire français du gouffre, et que son directeur visionnaire projette de construire 40 centrales nucléaires en France ! Ce n’est pas maintenant qu’on va recommencer à vous faire peur avec le nucléaire !

    Donc si les médias vous parlent du nucléaire, ce sera juste pour vous convaincre qu’il va sauver le climat et sauver des emplois. Pour les emplois, je dis aussi "sauver", parce que pour ce qui serait d’en créer, investir dans les énergies renouvelables créerait bien plus d’emplois (mais moins de remontées financières pour les lobbies des énergies sales : pétrole, charbon et nucléaire). Lire cet article de Transitio "Ecoloterorisme, emplois...et nucléaire"


Revenons à la centrale nucléaire de Leningradskaia (près de Saint-Petersbourg)


Pour terminer cet article, revenons donc à cette centrale qui a eu un hoquet de vapeur radioactive le 18 décembre, et voyageons un peu dans le temps…

 Image du vaporeux hoquet nucléaire




En mars 1992, la télévision française n’hésitait pas alors à diffuser un reportage relatant un accident dans ladite centrale nucléaire de Leningradskaia à Sovnony Borg, près de Saint-Pétersbourg (ex-Leningrad), "l’une des 15 bombes à retardement héritée de la gestion communiste" comme il est dit à 43 secondes de cette vidéo que vous pouvez encore visionner sur le site de l’INA, mais pour combien de temps ? :

Cliquez sur l'image pour accéder au site de l'INA
JT mars 1992 INA


    Vous pouvez également regarder la vidéo ci-dessous, du journal TV du 29 avril 1986 sur la catastrophe de Tchernobyl qui venait de commencer...

    Le journaliste évoque plus de 2000 morts et rappelle que cette centrale toute neuve faisait la fierté de l’URSS. Il y est également dit à la fin, que cette centrale produisait également du plutonium pour les militaires (comme en France).

Cliquez sur l'image pour accéder au site de l'INA
JT 1986 Tchernobyl


    Si vous n'êtes pas encore lassés des lectures que je vous propose, n'hésitez pas à lire cette traduction d'un article publié dans la Pravda le 7 janvier 1986 vantant les qualités soviétiques de la centrale de Tchernobyl !

Cette incroyable pépite se trouve, bien sûr, dans les archives de Transitio !

Cliquez sur l'image pour accéder à l'article

Pravda 7 janvier 1986 Tchernobyl



    A noter qu’après la catastrophe de Tchernobyl, la France s’est hâtée de fermer les centrales dites « Graphites – Gaz », Chinon 2 et 3, St Laurent 1 et 2 et Bugey 1) qui n’avaient guère plus d’enceinte de confinement que les réacteurs RBMK soviétiques…

    Plus d’infos sur l’évolution de la doctrine du nucléaire français en lisant cet article du physicien nucléaire Raymond Sené datant de mai 2008 : "Évolution de la doctrine du nucléaire"

Une conclusion ?




Et joyeux Noël quand même ! 



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