samedi 1 janvier 2011

Il faut sauver le soldat Jancovici et ses amis !

Article mis à jour le 12 juin 2023 :



    J’avais écrit ce billet d’humeur et d’humour lorsque je m’occupais de l’ancien site de la commission énergie d’Europe Ecologie Les Verts. Je le voulais comme une réponse à un article publié le 23 mars 2011 par 
Jean Marc Jancovici dans le Nouvel Observateur, mais il s’adressait en fait à toutes les brebis égarées, qui chez les écologistes, soutiennent le nucléaire.

    Si, si, il y a des écologistes pronucléaire ! C’est fou ce que la peur irraisonnée du CO2 peut égarer certains esprits qui se veulent éclairés ! 
    Mon article est long car je suis un peu bavard, c’est là mon moindre défaut…

Mise à jour au 12/06/2023 : Je vous conseille de lire cet article : Nucléaire : les allégations mensongères de Jean-Marc Jancovici.

Le plus triste dans tout cela, c'est qu'après des années de discours pronucléaire dans tous les médias et toutes les conférences possibles, ce brave Jancovici a fini par admettre dans son dernier ouvrage "Climat, crises : Le plan de transformation de l'économie française", que le redémarrage de la filière électronucléaire française n'était plus envisageable. Lire mon article : Jancovici enterre le nucléaire !



Voici mon modeste article de 2011 :


    Un paralogisme est un raisonnement faux, fait de bonne foi. C’est par sympathie envers M. Jancovici que je qualifie ainsi l’argument exposé en début de son article « Energie : les choix faciles, c’est fini »

Celui-ci se trouve également sur son fameux site "Manicore".
Dire en effet une énormité comme : « Le nucléaire est bien moins dangereux que la chimie ou le charbon, Tchernobyl (bien plus grave que Fukushima) a fait 10 à 100 fois moins de morts que l’explosion d’une usine de pesticides à Bhopal (Inde) en 1984. »

C’est comme dire « La variole est moins dangereuse que la grippe saisonnière car elle fait moins de morts chaque année ».
Ou encore : « il y a plus de morts par noyade que par irradiation, l’eau est donc plus dangereuse que le plutonium » en conséquence de quoi, interdisons les bains de mer (surtout au large de Fukushima).

Ce genre de raisonnement bancal choque la raison et présente même un caractère d’indécence, si on ne l’excuse pas par la bonne foi de son locuteur.

Je veux croire en effet que M. Jancovici est de bonne foi lorsqu’il affirme péremptoirement cette énormité sans cesse rebattue par les ardents thuriféraires du nucléaire. Je suis même prêt à croire qu’il ne connaît pas les chiffres du véritable décompte des victimes de Tchernobyl (1), qui s’avère être très largement supérieur à celui des victimes de Bhopal (2), qu’il cite en exemple. Il est vrai que l’accord WHA 12-40 (3) qui lie l’OMS et l’AIEA depuis plus de 50 ans n’a pas dû aider à la diffusion de ces chiffres…

Tout me choque dans ce texte, jusqu’à cette étonnante affirmation qui le clôture, à savoir que nos acquis sociaux dépendraient de notre économie dite de l’énergie facile !
Alors oui, nous devons sauver M. Jancovici, ainsi que nombre des brebis égarées qui même au sein des rangs écologistes se laissent séduire par les fatales sirènes du nucléaire. Quand je pense que certains parmi nous se sont fait inviter à Copenhague par le lobby nucléaire sous prétexte que cette radieuse énergie aiderait à lutter contre le réchauffement climatique !

Et pire encore, imaginez qu’il existe une association d’écologistes pour le nucléaire écologique ! Non vous ne rêvez pas, c’est pire que la secte du temple solaire ou les Raeliens !

Je ne suis pas un bisounours (gentille insulte en vogue actuellement). La  fin inexorable des énergies fossiles et le mal français de l’addiction au nucléaire, je suis au courant de tout cela depuis bien longtemps, merci. Et c’est même la perspective de cette formidable crise énergétique que je vois arriver depuis plusieurs années, qui m’a décidé à adhérer chez les Verts et à participer à sa commission énergie.

J’ajouterai même que, et je vais en choquer beaucoup parmi ceux que l’on appelle les « peakistes », que l’industrie du nucléaire combat du même côté que l’industrie du pétrole, mais en des endroits différents du champ de bataille. Pour des raisons évidentes, ce sont les compagnies pétrolières ont été les premières à tirer la sonnette d’alarme de la fin du pétrole et ce n’est pas pour rien qu’elles investissent tant à présent dans le nucléaire (4). Ces compagnies sont mues par la même logique aveugle, le profit avant tout. Et les moyens d’ingénierie sociale dont elles disposent pour nous abrutir sont colossaux.

Les écologistes se sont rués avec un bel enthousiasme dans la croisade du CO2, trop contents de pouvoir en découdre avec leurs adversaires habituels, sans se poser vraiment la question de savoir d’où leur venaient certains renforts. Et lorsque celle-ci sera terminée, il sera trop tard, nous serons tous cernés de centrales nucléaires flambant neuves. Les moins naïfs se sont tus, parce qu’ils se disaient fort justement que la lutte contre le CO2 allait permettre d’amortir le choc de la fin du pétrole en économisant sur sa consommation. D’autres se sont peut-être souvenus que les jugements faux sont parfois les plus aptes à nous sortir de situations difficiles (5). Mais peut-être est-il temps à présent de faire une pause sur le bord du chemin et de réfléchir un peu.

Je me doute que ce ne sera pas facile pour tout le monde, car certains d’entre-nous parmi les meilleurs ont consacré une bonne part de leur vie à ce trop juste combat. (Attention, ne me faites pas dire que je nie le risque de catastrophe que pourrait provoquer ce nouveau changement climatique !!!).

J’imagine déjà la colère de certains…

Je sais que ce que nous prenons pour nos opinions ne sont la plupart du temps que les reflets de nos craintes. Raison pour laquelle je ne diabolise pas tous les gens qui défendent le nucléaire. Et je sais aussi que si par miracle la décision de sortir de cette impasse était prise, il nous faudrait plusieurs décennies pour nous en débarrasser.

Je suis conscient également de ce qui motive ma propre opinion. Je l’avoue, ce que je sais du nucléaire m’inspire plus de craintes que ce que je sais du réchauffement climatique. Cela vient peut-être du fait que j’ai plus de cinquante ans et que les gens de ma génération ont eu à l’école des cours de sciences naturelles et de géographie durant lesquels ils ont appris que les climats n’avaient jamais cessé de changer depuis l’aube des temps et parfois très brusquement. Et j’ai la faiblesse de penser, je l’avoue à ma grande honte, qu’à l’exemple de nos ancêtres il nous sera peut-être moins difficile de nous adapter à ce énième changement climatique que de parcourir hagards, compteurs Geiger à la main des contrées irradiées (c’est mon côté optimiste). Vous aurez beau me faire regarder en boucle l’hollywoodien « jour d’après », que je n’arriverai pas à avoir autant peur qu’en regardant un reportage sur Tchernobyl juste 5 minutes. Je n’y peux rien, c’est comme le vertige, cela ne se commande pas. Je peux donc imaginer comment vous vivez vos propres peurs.

Ayant donc conscience de tout cela, je propose que nous arrêtions de courir dans tous les sens les cheveux dressés sur la tête en criant qui au climat, qui au peak oil, et que nous profitions du temps qui nous est imparti pour réfléchir aux solutions urgentes qui s’imposent. Nous avons tout de même quelques années devant nous, pas beaucoup certes, mais tout de même quelques décennies. Et de grâce, arrêtons d’affoler les gens comme des prophètes de malheur !

Arrêtons de nous faire peur et de faire peur. Il est vrai que depuis toujours la peur fut le moyen le plus couramment utilisé lorsque l’on renonçait à convaincre par la raison. Mais ayons la décence de respecter ceux qui veulent bien nous écouter en ne nous adressant qu’à leur seule raison. N’utilisons pas des méthodes que nous reprocherions aux autres !

Imaginez qu’une fois de plus, les experts se soient trompés, de quoi aurions-nous l’air ? Qui se souvient du prix Nobel de physiologie et de médecine donné à Alexis Carrel pour sa théorie de l’eugénisme ? « Substituer des concepts scientifiques de la vie aux anciennes idéologies ; développer harmonieusement dans chaque individu toutes ses potentialités héréditaires ; supprimer les classes sociales et les remplacer par des classes biologiques, la biocratie au lieu de la démocratie » écrivait-il dans son best-seller mondial « L’homme, cet inconnu ». Il fut adulé par toutes les élites de l’époque. Ce livre est paru en 1935. On sait comment quelques années plus tard avec quels "moyens" le traitement des classes biologiques a été réalisés par de zélés sectateurs…
Comme il est difficile de tempérer l’enthousiasme légitime de certains ingénieurs envers la science et la technique !

Mais revenons à l’écologie…

L’écologie, c’est l’avenir. Si nous voulons en convaincre les gens, soyons nous-mêmes convaincus, confiants et optimistes. Les nucléocrates séduisent justement par la confiance inébranlable qu’ils accordent à leur fatale énergie.

Le nucléaire est une énergie désuète, celle que nos grands-parents traumatisés par la débâcle française de 40 ont trouvée pour sanctuariser le territoire. C’est une énergie contre nature et surtout sans avenir.

Mais ma digression m’a presque fait oublier ce pauvre Jancovici. Peut-être parce que j’ai déjà eu l’occasion de l’écouter en conférence et que je l’ai vraiment trouvé excellent dans sa présentation de la situation énergétique mondiale. Il a un vrai talent. Et je reconnais que l’on peut garder de son texte le titre qui est vraiment très bon : « Energie : les choix faciles, c’est fini ».

Raison pour laquelle je répète mon appel solennel pour le sauver, lui et ses amis, des griffes de l’hydre atomique !

Il faut sauver le soldat Jancovici ! Et ses amis !

Merci à ceux qui ont lu jusqu'au bout (je sais que c'était un peu long).


Notes
(1) Tchernobyl : En septembre 2005, un colloque de l'OMS avait abouti à un chiffre extravagant démontrant la mainmise du lobby nucléaire : il n'y aurait eu que 4000 morts liés à la catastrophe de Tchernobyl. Une position qui avait été dénoncée comme « négationniste » par les associations de défense de l'environnement. Vu le tollé, l'OMS avait ensuite quadruplé ces estimations, sans fournir d'explication à ce sujet. Le chiffre « officiel » est donc aujourd'hui de 16 000 décès.
Bien loin des chiffres réels, les travaux sur le terrain menés en Ukraine – lieu de la catastrophe–, en Biélorussie et en Russie – pays qui ont subi de plein fouet le retombées radioactives – donnent des chiffres beaucoup plus élevés : entre 600 000 et 900 000 vies perdues.
(2) Bhopal : Cet accident industriel tua officiellement 3 500 personnes, mais fit en fait entre 20.000 et 25.000 décès selon les associations de victimes.
Source : Wikipedia
(3) Accord WHA 12-40 Source : Wikisource.org
(4) Total s’invite dans le nucléaire : Source : Transitio
(5) " Nous ne voyons pas dans la fausseté d'un jugement une objection contre ce jugement ; c'est là, peut-être, que notre nouveau langage paraîtra le plus déroutant. La question est de savoir dans quelle mesure un jugement est apte à promouvoir la vie, à la conserver, à conserver l'espèce, voire à l'améliorer, et nous sommes enclins à poser en principe que les jugements les plus faux sont les plus indispensables à notre espèce, que l'homme ne pourrait pas vivre sans se rallier aux fictions de la logique, sans rapporter la réalité au monde purement imaginaire de l'absolu et de l'identique, sans fausser continuellement le monde en y introduisant le nombre. Car renoncer aux jugements faux serait renoncer à la vie même, équivaudrait à nier la vie. Reconnaître la non-vérité comme la condition de la vie, voilà certes une dangereuse façon de s'opposer au sens des valeurs qui a généralement cours, et une philosophie qui prend ce risque se situe déjà, du même coup, par-delà bien et mal. "
Source : Friedrich Nietzsche « Par-delà le bien et le mal » (1886), I, 4,


Mise à jour du 12/06/2023 (suite) :

La copie de l'article de Reporterre sur les allégations mensongères de Jancovici est sauvegardée en PDF sur Transitio et téléchargeable en cliquant sur l'image ci-dessous :



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